Championnats du monde de cyclisme :
Mads Pedersen, un arc-en-ciel au milieu de la tempête !
@Getty Images
Mads Pedersen, tout sourire, s’impose devant Matteo Trentin et Stefan Küng.
Tous les ans, les meilleurs cyclistes internationaux se retrouvent lors des championnats du monde. L’édition 2019 s’est déroulée dans le Yorkshire, en Angleterre. Ils étaient nombreux à prétendre à la succession de l’Espagnol Alejandro Valverde et au si prestigieux « maillot arc-en-ciel ». Mais la météo a joué les trouble-fête, donnant lieu à une course indécise jusqu’au bout.
Des conditions climatiques d’anthologie
Dantesque. C’est ce que nous retiendrons de cette dernière journée des championnats du monde de cyclisme sur route à Harrogate, dans le Yorkshire, où les conditions météorologiques ont été apocalyptiques. Une pluie battante et froide a sévi toute la journée, obligeant les organisateurs à amputer la course de 23,5 km sur sa partie en ligne, la route inondée étant jugée impraticable. Le départ a été retardé de vingt minutes et les hélicoptères sont restés cloués au sol par le brouillard. En levant simplement les yeux au ciel, certains coureurs ont même préféré ne pas prendre le départ. Les autres ont pris leur courage à une main et leur guidon de l’autre pour affronter les éléments sur les 261,8 kilomètres restant à parcourir. Mais la bravoure n’a pas suffi : sur 197 engagés, seuls 46 sont arrivés au terme du neuvième tour de circuit à Harrogate ! Faites les comptes, ça ne fait pas lourd !
Des favoris qui souffrent
Qui dit météo exécrable, dit plus de risques sur la route. On ne compte plus les crevaisons qui – comme si le sort s’acharnait – touchent principalement les favoris. Les chutes sont aussi au rendez-vous, notamment pour le Belge Philippe Gilbert. Si, dans un premier temps, l’ancien médaillé d’or des mondiaux de Valkenburg semble en mesure de repartir, son genou meurtri et le retard causé par sa chute ont finalement raison de lui. Contraint à l’abandon, son jeune coéquipier et future star du cyclisme mondial, Remco Evenepoel, ne tarde pas à faire de même tout comme le tenant du titre, Alejandro Valverde. Les favoris ne sont donc pas à la fête et ce n’est pas Benoît Cosnefroy, transit de... froid à l’arrivée, qui vous dira le contraire.
Les grandes manœuvres
L’échappée matinale ayant été reprise à une centaine de bornes de la ligne, il faut attendre le kilomètre 194 pour voir l’épreuve se décanter. Les attaques commencent à fuser de toutes parts jusqu’au tournant de la course, au sommet de la côte de Oak Beck à trois tours de l’arrivée. Le Néerlandais Mathieu van der Poel, petit-fils de Raymond Poulidor que l’on connaît bien dans le Limousin, est le premier favori à passer à l’offensive. Il est talonné par son dauphin du Tour de Grande-Bretagne, l’Italien Matteo Trentin. Derrière, personne ne peut suivre; les Français et leur leader Julian Alaphilippe manquent désespérément à l’appel.
Un final imprévisible
Entre attaques, contre-attaques, lâchés et groupes de contre, difficile d’y voir clair, surtout avec les gouttes d’eau sur la caméra ! Un groupe de cinq coureurs finit par prendre le large, à une trentaine de kilomètres de la ligne d’arrivée. Parmi eux, trois rescapés d’une précédente échappée : le Danois Mads Pedersen, l’Italien Gianni Moscon et le Suisse Stefan Küng ainsi que les deux favoris partis dans la dernière difficulté, Matteo Trentin et Mathieu van der Poel. Ce dernier étant le grandissime favori au vu de sa redoutable pointe de vitesse et de son extraordinaire saison (vainqueur entre autres de l’Amstel Gold Race), on ne se fait guère d’illusion sur l’issue si ces cinq-là vont jusqu’au bout. Victoire qui paraît de plus en plus probable étant donné l’écart qui grandi. Pourtant, contre toute attente, le petit-fils de Raymond Poulidor est subitement lâché à 12,7 kilomètres de l’arrivée. À l’arrêt. Plus de force dans les jambes. Sans doute une hypoglycémie : la redoutable fringale. C’en est fini pour lui. Les cartes sont rebattues. La Squadra Azzura, en surnombre, semble la mieux armée pour ramener à l’Italie son premier titre mondial (en élites hommes) depuis Alessandro Ballan en 2008. La nouvelle ascension de la côte de Oak Beck a raison de Gianni Moscon et il faut se rendre à l’évidence, le peloton ne reviendra pas. Ils ne sont donc plus que trois pour le titre. Un Suisse, un Italien et un Danois, tous vainqueurs d’une course la semaine précédente. Trois hommes pour trois médailles mais seul l’or compte lors d’un championnat du monde. Sur le papier, Matteo Trentin est sans aucun doute le plus rapide.
Mais peu après avoir lancé le sprint à 200 mètres de la ligne, tout s’écroule : le champion d’Europe 2018 coince. Et Mads Pedersen, second du Tour des Flandres l’an dernier, en profite pour le dépasser et signe, à la surprise générale, la première victoire d’un Danois sur un championnat du monde. Incroyable pour ce coureur de 23 ans, certes vainqueur du Grand Prix d’Isbergues le dimanche précédent dans des conditions météorologiques similaires, mais que personne n’avait imaginé à ce niveau-là ! Quelques minutes plus tard, sur la plus haute marche du podium, il croque à pleines dents une médaille d’or glanée avec panache lors d’une course intensive. Et il se pare du maillot arc-en-ciel, preuve irréfutable qu’après la pluie, vient le beau temps...
Nicolas Le Filous