Climat et droits humains
par DARRIN Lisa et BOUCHARENC Ninon
En quoi le climat et les droits humains sont-ils indissociables ? Qui sont les réfugiés/déplacés ? Comment se déroule l’accueil des déplacés climatiques dans le monde ? Pourquoi l’ONG Amnesty International peut-elle se sentir concernée par le réchauffement climatique ?
Le réchauffement climatique crée une menace pour de nombreux lieux et espèces, entraîne la fonte des glaces et la montée des eaux, des catastrophes naturelles, la baisse des ressources ou bien encore une augmentation de la pauvreté. De plus, d’après le rapport du GIEC de 2019, une estimation “optimiste” de l’élévation du niveau des océans serait de 40cm, mais si l’émission de gaz à effet de serre ne diminue pas, la hausse se trouvera entre 61 cm et 1.1m d’ici à 2100.
D’autre part, la situation climatique actuelle a des conséquences dévastatrices concernant les droits humains (droit à la vie, droit à la santé, droit au logement, droit d’accès à l’eau potable…).
Toujours dans un scénario “optimiste”, le nombre de personnes qui devraient fuir leur lieu d’habitation pour les raisons précédentes s'élèverait déjà à 280 millions d’ici à 2100. De nombreuses vagues de migrations, des crises économiques et sociales, d’inégalités commencent déjà à voir le jour. On peut alors parler de crise humanitaire (c’est-à-dire que beaucoup de populations sont et vont être menacées).
Ainsi, la question des déplacés climatiques et d’une atteinte aux droits humains se pose.
Les migrants climatiques et l’accueil des réfugiés en France et dans le monde
On parle de 150 millions à 1 milliard de migrants environnementaux d’ici à 2050 et l’expression « réfugiés climatiques », ou celle plus large de « réfugiés de l’environnement », ont envahi la sphère médiatique. Ainsi, le terme « réfugié » recouvre aussi et surtout une catégorie juridique qui répond à des critères très précis et donne un certain nombre de droits, le plus important étant le droit à un titre de séjour. Aujourd'hui, pour être considéré comme réfugié, il faut être victime de “persécutions”. Ainsi, Amnesty préfère utiliser l'idée de "déplacés climatiques".
Contrairement aux réfugiés politiques par exemple, ces déplacés climatiques n'ont pas de statut officiel, ce qui rend difficile leur prise en charge. Ainsi, cette non reconnaissance juridique signifie que ces "déplacés" climatiques n'ont aucun droit, or, d'après l'article 3 de la DDHC "tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne".
Ainsi, les réfugiés climatiques sont pour l'heure démunis de droits internationaux, car ils n’ont aucun statut juridiquement parlant, contrairement à ceux qui fuient la guerre ou la dictature qui bénéficient d'un droit d'asile et de nombreuses aides dans beaucoup de pays.
Ce sont, plus communément, les “oubliés” du Droit international : ces déplacés climatiques échappent donc à une définition unique pour les Nations Unies, ce qui prive ces migrants d’une protection en vertu du droit international. Car il est difficile de séparer le facteur climat des autres facteurs de migration.
L’exemple se modélise en Nouvelle-Zélande où un homme a tenté d’obtenir le statut de “réfugié climatique” après avoir fui la pénurie d’eau potable et la montée des eaux salées sur l’île de Kiribati en Océanie, où il résidait, en 2007. Après un long parcours judiciaire, la Cour suprême néo-zélandaise a refusé de lui accorder ce statut.
Les Etats sont souvent contre la reconnaissance de ce statut, contrairement aux ONG. En effet, un pacte mondial pour des migrations sûres fut signés les 10 et 11 décembre 2018, sous l’égide des Nations Unies. De nombreux pays ont ainsi refusé de le signer, ou ont simplement annulé leur participation. C’est le cas des États-Unis, de l’Israël, l’Italie, la Suisse, la Belgique, la Bulgarie, la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, la République tchèque, l’Autriche, la Croatie et l’Australie. Par ailleurs, ces pays sont aussi responsables de certaines des pires atteintes aux droits des migrants observées ces dernières années (centres de détention de l’Australie situés hors de son territoire, la politique de séparation des familles adoptée par le gouvernement du président Donald Trump, ...)
Ce pacte ravive également les tensions d’une Europe en manque de solidarité et révèle l’ampleur de la fracture au sein de la communauté internationale. La France, par exemple, refuse une modification des conventions internationales. Elle estime que ce type de migration ne rentre pas dans le périmètre du droit des réfugiés. Et pour cause : selon Paris, il n'existe pas aujourd'hui de statistiques assez fiables pour faire la différence entre un réfugié climatique et un autre.
Finalement, on constate surestimation du nombre de personnes fuyant des dégradations environnementales jusqu’aux abords des pays riches, ce qui engendre un réflexe de fermeture des frontières ; et, au contraire, une sous-estimation des besoins d’assistances humanitaires liés aux futur déplacés environnementaux si aucune mesure n’est entreprise.
Cependant, certains pays font exceptions, avec leur participation au mouvement The Nansen initiative regroupant la Suisse, la Norvège, le Bangladesh, le Costa Rica, l'Allemagne, le Kenya, le Mexique et les Philippines. L’objectif de ce mouvement ? Défendre une meilleure protection mondiale pour ce type de réfugiés.
Réfugiés climatiques provenant du Bangladesh :
L e Bangladesh est l’exemple même de l’accroissement du nombre de “réfugiés climatiques”.
C’est un pays densément peuplé, victime du changement climatique (hausse de la salinité du sol, montée du niveau de la mer, inondations liées à la marée, multiplication des orages, l’augmentation des températures, pluies torrentielles…). Il est fortement exposé aux impacts du changement climatique. En 2009, le cyclone Aila a inondé quelques 80 000 hectares de terres agricoles avec de l’eau salée et 300 000 personnes ont été déplacées. Plus de la moitié de la surface du Bangladesh est à peine à 5 mètres au-dessus du niveau de la mer (par ailleurs, une montée des eaux d’un mètre submergerait le pays et ferait près de 30 millions de personnes en «réfugiés climatiques»)
Ces risques se développant, une problématique est soulevée : La capital du pays, Dacca estime le nombre d'habitants à 3.5 millions d’ici 2035 dû aux migrations internes.
“Le Bangladesh est le laboratoire global. Tous les effets négatifs du changement climatique y sont visibles” s’inquiète le général Muniruzzaman, ex-conseiller du président du Bangladesh, qui dédie désormais une bonne partie de son temps à combattre la menace croissante du changement climatique. Il nous affirme que le changement climatique ne touche pas que les pays en voie de développement. Il en veut pour preuve les ouragans et inondations qui ont secoué les Etats-Unis.
Donc, les actions des ONG se multiplient :
L’association Living Space for Environmental Refugee a été créée pour promouvoir la reconnaissance et l’institution d’une protection pour les “réfugiés environnementaux”et lance en 2004 l’Initiative de Toledo sur les réfugiés environnementaux et la restauration écologique. Puis, en 2007, l’ONG Les Amis de la Terre-Australie a publié un document visant à reconnaître les “réfugiés climatiques” et propose en 2009 la Climate Displacement Coalition pour conduire l’Australie à accepter une “part équitable” des personnes déplacées par le réchauffement climatique. Enfin, en mai 2009, l’Ultimatum Climatique lancé par des ONG telles que Greenpeace, WWF, etc.. évoque la situation des “réfugiés climatiques”. Tout cela pousse les gouvernants à se positionner et à agir sur la question de la reconnaissance et de la protection des “réfugiés environnementaux”.
Comment Amnesty International peut-elle agir concernant la question des déplacés climatiques ? Concernant le réchauffement climatique ?
Tout d’abord, Amnesty appuie principalement sa réflexion sur le rapport du Giec (un organisme intergouvernemental créé en 1988) pour avoir des données claires, précises et représentatives. Ainsi, Amnesty et de nombreuses autres associations de défense des droits humains estiment qu’il faut demander des comptes aux Etats qui n’agissent pas mais aussi à des entreprises qui ont elles aussi la responsabilité de respecter les droits humains. En effet, si ces derniers ne prennent aucune mesure, ils violent le droit international.
D’autre part, l’Accord de Paris du 12 décembre 2015, à l'issue de cop21, définit la responsabilité et les obligations des gouvernements dans le changement climatique et dans les droits humains (168 pays l'ont ratifié mais les États-unis en sont sortis). Cependant, ce qu’Amnesty reproche à cet accord, c’est qu’il n’a aucun caractère juridiquement contraignant car il ne prévoit pas de sanctions pour les pays qui contreviendraient aux engagements énoncés (ex : Il mentionne la nécessité de rester en dessous de 2 degrés / 1,5 mais ne fixe pas d'objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre)
Amnesty appelle les gouvernements à :
“faire tout leur possible pour contribuer à empêcher la hausse des températures d’atteindre 1,5 °C; réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à zéro à l’horizon 2050, au plus tard. Les pays riches doivent atteindre cet objectif plus rapidement. D’ici à 2030, les émissions mondiales doivent avoir été réduites de moitié par rapport à leur niveau de 2010; cesser d’utiliser des carburants fossiles (charbon, pétrole, gaz) dans les meilleurs délais; veiller à ce que les actions climatiques soient menées de manière à ne pas bafouer les droits humains et à réduire plutôt qu’accroître les inégalités; s’assurer que chacun, en particulier les personnes affectées par le changement climatique ou la transition vers une économie sans combustibles fossiles, bénéficie d’informations complètes sur les événements et puisse participer aux décisions concernant son avenir; travailler en coopération afin de partager la charge du changement climatique. Ainsi, les pays riches doivent aider les autres.” (https://www.amnesty.fr/focus/pourquoi-le-changement-climatique-menace-les-droits)
Amnesty a de nombreuses stratégies qui ont pour but de stabiliser le climat tout en restant mobilisée pour les droits humains :
-Destinées aux états et s’attaque aux lobbies
-Destinées aux entreprises (mise en place de plan de vigilance à l’aide de lois que les associations ont réussi à obtenir pour responsabiliser les entreprises)
-Pas de dictature verte qui violerait les droit humains = transition juste, rapide et sans carbone ne laissant personne à l’écart
-Engagement de citoyens = sensibiliser (campagnes, actions, pétitions, réseaux sociaux, site…)
-Amnesty défend les gens menacés, assassinés, criminalisés et aussi ceux qui défendent (global witness)
-Être éco responsable
Elle effectue des recherches sur 150 pays et des travaux sont en cours. En effet Amnesty international cherche à apporter son soutien à des actions en justice (pays-bas et Philippines), elle poursuit les entreprises (car par exemple, 100 entreprises sont responsables de 75% des rejets gaz à effet de serre), écrit à des entreprises et firmes, mais agit également avec des mouvements de jeunesse (Greta thunberg, organisation d'un sommet à new York).
Enfin des initiatives comme celle sur les batteries éthiques sont lancées, celle-ci est un “défi lancé aux leaders de l’industrie”. Car habituellement, le cobalt est utilisé, mais l'usage de ce dernier est dangereux.
De multiples activités sont encore à venir car l’association ne compte pas s’arrêter là. Elle souhaite mobiliser de plus en plus de personnes en étant la plus exemplaire possible.
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Annexes :
184,6 millions de migrants déplacés climatiques entre 2008 et 2015 = 26,4 millions par an
Pays et continents touchés :
En 2014, Asie représentait 81% des réfugiés climatiques (avec les plus gros bouleversements climatiques)
Continent américain : tremblements de terre et tempêtes→ 10%
Afrique : sécheresse et violentes pluies = glissements de terrains → 8%
Bangladesh : La région indo-bangladaise des Sundarbans disparaît peu à peu sous l'effet de la montée des eaux et du défrichement de la mangrove car sont soumis aux inondations, cyclones, sécheresses… → entraîne aussi insécurité, “malnutrition, chômage, pauvreté, trafic humain” (source : le courrier)
244 millions de personnes ne vivent pas dans leur pays d’origine (~3%)
migrant : personne qui se déplace d’un pays à un autre. soit situation régulière (s’il a un permis de travail ou de résidence) ou irrégulier (si les autorités ne lui délivrent pas d’autorisation
réfugié : fuit la violence ou la persécution dans son pays, donc demande la protection d’un autre état
Convention des Nations unies interdit renvoie des réfugiés dans pays où seraient persécutés (= non refoulement)