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Vas-y Poupou… et Poupou s’en est allé

On le surnommait « l’Éternel Second », Raymond

Poulidor nous a quitté mercredi 13 novembre à l’âge

de 83 ans. Retour sur l’incroyable destin de Poupou...

On pourrait faire comme si de rien n’était en ce

jeudi matin, mais il est trop évident qu’il manque

quelque chose. Car « Raymond Poulidor s'est

échappé une dernière fois », comme l’a rappelé

Laurent Jalabert. Il s’est envolé, pour de bon, comme     Raymond Poulidor aux côtés de son petit-fils 

                                                                                                                                              Mathieu van der Poel en 2016@David Stockman - Belga

il l’avait fait cinquante-cinq ans auparavant sur les

pentes du Puy-de-Dôme, décrochant Jacques

Anquetil à 900 mètres de l’arrivée, au terme d’un

des duels les plus marquants de l’Histoire du sport.

On pourrait faire comme si de rien n’était, mais il suffit de lever les yeux pour voir que le soleil est moins jaune aujourd’hui. « Poupou » en a emporté un bout avec lui, à l’instar d’un Eugène Christophe, premier porteur du maillot jaune sur le Tour de France, et dont la dernière volonté était d’être inhumé dans cette précieuse tunique. Le jaune, Raymond Poulidor, lui, n’a jamais pu s’en emparer sur le Tour de France. Alors, comme pour défier le destin, c’est vêtu d’un polo jaune au couleurs du sponsor LCL qu’il apparaissait le plus souvent ces dernières années. Car Raymond Poulidor, est resté dans l’imaginaire collectif comme l’ « Éternel Second » : huit fois sur le podium du Tour sans ne jamais l’avoir remporté, quatre fois sur celui des championnats du monde mais aucune médaille d’or, ainsi qu’un nombre incalculable d’autres lots de consolation obtenus lors de ses dix-huit années passées chez les professionnels. A tel point qu’être un « Poulidor » est même passé dans le langage courant pour désigner un habitué des secondes places. Ces accessits en seraient presque à nous faire oublier que Poulidor n’est pas seulement ce perdant magnifique : il comptabilise plus de 180 victoires dont un Milan-San Remo remporté en tout début de carrière en 1961, une Flèche Wallonne en 1963 ou encore un Tour d'Espagne en 1964.

On pourrait faire comme si de rien n’était, mais Raymond Poulidor a toujours été le chouchou du public. Ses déboires qui l’ont empêché de triompher sur le Tour ou même de prendre la tête du général, lui ont en revanche permis de gagner le cœur des Français. Tantôt une chute, tantôt une crevaison ou une erreur de parcours, et la foule l’acclame de plus belle ! « Vas-y Poupou ! Vas-y Poupou ! ». Mais Poulidor, immuable malchanceux voit deux monstres sacrés du cyclisme se dresser en travers de sa route : Jacques Anquetil, « Maître Jacques », trop victorieux pour être apprécié, et Eddy Merckx, « Le Cannibale » avec ses 525 succès sur route. La France de Juillet préfère les besogneux. Elle préfère les courageux. Elle préfère Poulidor.

Sa carrière se termine en 1977, après presque deux décennies de bons et loyaux services dans la même équipe Mercier, et une longévité sans pareille. « Poupou » devient alors une véritable égérie du vélo. Même retraité des pelotons, on le retrouve chaque année sur le Tour de France, parmi la caravane ou sur le podium pour remettre le jaune au vainqueur. On le croise également sur de nombreuses courses auxquelles participent ses dignes héritiers : son gendre Adrie van der Poel, talentueux coureur des années 1980-90 et surtout Mathieu, son petit-fils néerlandais de 24 ans, l’un des tout meilleurs de sa génération. Raymond devient par ailleurs directeur sportif du Tour du Limousin, « son » Tour du Limousin qu’il chérit tant. Car oui, « La Pouliche d’or » est un Limousin pure souche. Né en 1936 à Masbaraud-Mérignat dans la Creuse, ce fils de métayers a toujours été très attaché à sa terre natale. Il a élu domicile à Saint-Léonard-de-Noblat, en Haute-Vienne, dans les années 1960 et n’a jamais quitté la commune. Dans ce petit village qu’il aime profondément et où il a ses habitudes, il est la figure locale, très appréciée de tous pour sa simplicité et sa bonne humeur. On le voit aussi régulièrement à Brive, à l’occasion de la Foire du livre, où il vient dédicacer ses sept ouvrages dont La gloire sans maillot jaune, paru en 1968. Et, même si les plus jeunes ne le connaissent pas forcément, son sourire et sa jovialité ne laissent personne indifférent.

Hier, Poupou a donc épinglé son dernier dossard – un dossard numéro 2 probablement. Le monde du sport est unanime pour dire qu’il lui manquera. Et c’est la France tout entière qui rend hommage à cette légende intemporelle. Une France qui a ri et vibré avec Poulidor pendant 83 ans. Une France qui pleure aujourd’hui son « Poupou national » mais qui sait au fond d’elle-même que dans Éternel Second, il y a « Éternel »…

Nicolas Le Filous

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